Caïd est une mini-série produite et diffusée sur Netflix sortie en mars 2021.

L’histoire : Franck et Thomas sont envoyés dans une cité du Sud de la France par le label d’une maison de disques pour réaliser le clip de Tony, le “CaÏd” , qui est rappeur et dealer de drogue. Alors que la situation est assez tendue car la bande à Tony n’apprécie pas d’être filmée, les évènements dégénèrent et les 2 techniciens deviennent témoins d’une guerre des gangs.

Durée de visionnage ?

Environ 1h40 pour voir l’intégrale de la série (10 épisodes de 10 minutes chacun) .

« Un 100€ de frappe et un 50€ de machin, s’te-plaît.» Vous avez suivi ?

D’abord le film “Caïd” , ensuite la série

Avant d’aller plus loin sur la série parlons d’abord de la génèse du projet car c’est une belle histoire. Cette série c’est à la base le remake d’un film qui s’appelle aussi Caïd, sorti en 2017, écrit et réalisé par Ange Basterga et Nicolas Lopez, qui sont également les créateurs de la série. D’ailleurs ils ont été aidés dans l’écriture de la mini-série par Nicolas Peufaillit, scénariste notamment de Un Prophète. Le film avait à l’époque été auto-produit avec un budget de 70 000 € et tourné en 4 jours dans une cité à Martigues avec des comédiens amateurs de Marseille et des alentours. Faute de diffuseur le film n’est pas sorti en salle mais a tout de même su se faire remarquer en obtenant le grand prix du festival du Polar de Cognac 2017. Pour la petite anecdote, il était passé devant le film Carbone d’Olivier Marchal (la bonne grosse production française avec Benoit Magimel, Laura Smet, Gérard Depardieu et j’en passe, un film avec un budget de 10 millions d’euros) . C’est dans ce contexte que le producteur de French Kiss va les remarquer et va se rapprocher d’eux pour leur proposer d’adapter leur film en mini-série qui sera diffusée sur Netflix. Basterga et Lopez vont accepter et vont insister pour conserver la plupart des acteurs du film pour ce remake.

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C’est la frappe, frère…

Passons à la réalisation. On est sur un style que j’apprécie beaucoup, le found footage. qui signifie littéralement “enregistrement récupéré” , et qui a été popularisé notamment par Projet Blair Witch. La série se veut donc immersive et nerveuse en étant filmée en caméra embarquée. Du début à la fin, Caïd nous place dans la peau de Franck, le réalisateur, et du caméraman qui se sentent pris au piège. Dès leur arrivée on leur confisque leur véhicule, leur matériel et on les loge dans un appartement vide. On les loge ? Vraiment ? Il serait plus juste de parler de séquestration ! Le label avec qui Franck échange régulièrement ne va pas les aider. Au contraire, leur responsable minimise la situation et va jusqu’à leur interdire de revenir sans avoir tourné le clip et va même les inciter à prendre des risques inconsidérés pour obtenir des images “choc” pour faire du buzz. Pour Franck, qui en marre de tourner des clips de rap, c’est l’opportunité de filmer à la manière d’un reportage le quotidien d’un dealer, des épreuves qu’il traverse, de ses envies et de ce qu’il pense de son activité. C’est dans ce contexte que l’on va un peu mieux comprendre les motivations de Tony, qui essaye de percer dans le milieu artistique pour quitter la violence quotidienne du trafic de drogue. Il est évident qu’il ne vit pas forcément bien sa situation par rapport aux risques qu’il prend et de l’exemple qu’il donne à son petit frère, qui semble vouloir suivre ses traces. La force de cette série réside dans son rythme et son écriture, qui maintiennent une tension constante qui vous tient en haleine jusqu’à la fin. On passe par des moments d’accalmie où on a le sentiment que les 2 jeunes hommes sont à l’abri, puis en une fraction de seconde la situation dégénère et ils se retrouvent dans la merde jusqu’au cou !

« Vraiment désolé… ça m’a échappé… je sais pas pourquoi j’ai dit « Tié le sang frère ! » »

…mais il pique un peu la gorge.

Tout est donc très bien mais je vais me montrer un peu tatillon car évidemment tout n’est pas parfait. Le jeu de certains acteurs est parfois un peu approximatif, mais globalement ils s’en sortent assez bien et ça n’entache pas la qualité de la série. Ensuite, en tant que Marseillais, j’ai eu du mal à rentrer dans la série les premières minutes car je trouvais les personnages trop stéréotypés, avec des accents un poil forcés et un excès de vulgarité à base de “fils de pute” et de “j’vais niquer ta mère” pour ponctuer chaque fin de phrase… en prenant un peu de recul je me suis dit qu’en fait “oui, c’est vrai, c’est totalement Marseillais.”, mais on rentre tout de même un peu dans les clichés faciles. Je ne peux pas nier qu’il y a toujours un fond de vérité dans les clichés (des gars comme ça j’en ai côtoyé beaucoup et j’en côtoie encore) mais on aurait peut-être pu baisser le curseur d’un ou deux crans. Enfin, dans le dernier épisode certaines situations et choix de mise en scène sont un peu tirées par les cheveux et semblent davantage écrits pour servir le scénario et l’action, au détriment du réalisme et de l’immersion installés dans les épisodes précédents…

Bravo les gars pour la scène de gunfight façon John Wick dans la cité, mais c’était pas un peu “too much” ?

En conclusion

Caïd est quand même très bonne série et on regrette vraiment qu’elle se termine aussi vite (1h40 pour en voir le bout) . La réalisation est solide et un grand bravo pour l’écriture et le rythme, qui sont vraiment bien maîtrisés. L’histoire ne se limite pas à enchaîner des situations tendues entre dealers, elle nous montre aussi la réalité de la vie en cité. Les créateurs de la série nous rappellent qu’il y a une population riche culturellement, avec des gens qui savent vivre ensemble, des éducateurs qui essaient de véhiculer les bons messages auprès des plus jeunes, d’autres qui refusent de céder à la violence ou à la facilité… D’ailleurs le message de la série est clair : ne basculez pas dans l’illégalité et la violence pour vous en sortir car ça finira forcément mal pour vous ou vos proches. Il y a des alternatives pour se sortir de la précarité.