Ce serait pas trop cool un jeu où on pourrait…

Depuis 2016 Wilhelm Nylund et Landfall Games nous invitent à concrétiser nos fantasmes d’enfultes, aujourd’hui on saute de camions en camions sur l’autoroute avec Clustertruck.

Parfois je me dis que je me sens de plus en plus déconnecté avec l’industrie du jeu vidéo et ce qu’elle a à nous offrir. Qui a envie de tout ce fluff générique, de tout ce bruit photoréaliste, de répéter sans cesse les mêmes boucles de gameplay adaptées à la saveur du mois ? Et puis je tombe par hasard sur une expérience humblement inédite qui finira par remplir mes nuits plus efficacement que le dernier AAAA en date.

Ma première rencontre avec Clustertruck date d’il y a un peu plus de 6 ans, sur reddit. Je suis alors les productions d’un jeune développeur suédois du username de Wilnyl. Wilhelm Nylund, de son vrai nom, a commencé à coder au lycée et souffle régulièrement les communautés de gamedevs de reddit avec ses démos et autres expériences.

Air Brawl, ma première rencontre avec /u/Wilnyl
Air Brawl, ma première rencontre avec /u/Wilnyl

Si ces premiers projets étaient intéressants sans vraiment me toucher, il n’a pas fallu attendre très longtemps pour qu’il investisse ma wishlist Steam avec l’annonce de Clustertruck.

Car ce qui attire dans le travail de Nylund, ce n’est pas des animations chiadées, du ray-tracing next-gen ou une réalisation époustouflante, c’est simplement la concrétisation néanmoins efficace d’un concept qui tape tout droit dans notre inconscient, un truc dont on ne savait pas qu’on en avait un besoin vital, que ce soit de voir s’affronter une armée d’hommes de cro-magnon contre un dieu de la mort, dans Totally Accurate Battle Simulator, ou, simplement de sauter de camion en camion à grande vitesse sur l’autoroute comme ici dans Clustertruck.

Qui n’a jamais rêvassé pendant un trajet à l’arrière d’une voiture en imaginant les gouttes de pluie, ses doigts, ses yeux, sauter de voitures en voitures ? Qui ne s’est jamais dit “ce serait pas trop cool un jeu où on pourrait faire ça” ? Pendant que l’essentiel de l’industrie était occupée à faire rétrécir les testicules des chevaux dans la neige, Wilhelm nous proposait exactement ça, en y ajoutant d’autres trucs cools comme des armes médiévales, des lasers, des explosions, des pouvoirs qui ralentissent le temps, un grappin, plus de camions, bref tout était là pour faire de Clustertruck une lettre d’amour à notre imaginaire de grands enfants magnifiée par un gameplay aussi simple qu’efficace.

Ça commence easy
Ça commence easy

Mothertrucker

Le gameplay, parlons-en, le principe sera donc de sauter de camions en camions afin d’atteindre la ligne d’arrivée d’une zone plus ou moins linéaire et dépouillée en vue à la première personne. Bien évidemment les choses se compliquent vite et les 90 niveaux que le jeu propose (plus une vingtaine sur consoles et les niveaux custom sur PC) vont vite proposer leur lot d’obstacles et de mothertruckeries divers et variés, d’abord des obstacles statiques (arbres, rochers, changements de voies), puis des trucs un peu plus élaborés (masses géantes, boulets géants, lance-flammes, etc.) pour enfin arriver à un arsenal purement destiné à vous pourrir la vie (missiles, lasers).
Clustertruck est dur, frustrant, mais la simple perspective de découvrir le niveau suivant est une motivation suffisante poiur nous pousser à triompher des embuches qu’il met sur notre chemin.
Le sentiment de vitesse quand les sauts s’enchaînent dans une logique physique aussi incompréhensible que jubilatoire s’apprécie plus avec les tripes qu’avec le cerveau (on gagne en accélération, et donc en vitesse et en hauteur de saut, au contact avec un paroi du camion, imaginez le principe d’accélération du wallride de Lucio dans Overwatch mais sous amphétamines et où ce ne serait pas le nombre de sauts consécutifs mais la durée de contact qui donnerait le boost, enfin je crois)
Très vite on ne se dit pas “il va falloir que je trouve un moyen d’arriver avec plus de vitesse pour passer cet obstacle”, on ressent quelque part un instinct reptilien qui prend le relais de notre cognition et adapte notre comportement à la situation sans avoir à y penser.
Il est ainsi très compliqué d’expliquer à quelqu’un ce qu’il faut faire pour passer un niveau, on ressent simplement la solution au fond de nous une fois la manette en main.

Ça devient vite le bordel
Ça devient vite le bordel

Cette physique n’est pas sans écueils, elle est souvent aléatoire (lors de l’utilisation des perks par exemple), voire injuste (se voir projeté contre un obstacle qu’on pensait éviter) et il ne sera pas possible de compter sur une répétition mécanique d’une phase qui a fonctionné pour la reproduire (les camions sont parfois accidentés de manière aléatoire, face à un même obstacle un même camion peut aussi bien passer par dessus, se décaler sur le côté, ou tout simplement s’arrêter net), le seul moyen de gagner étant d’entrer dans la “zone” et de se laisser porter par son instinct, pour le meilleur comme pour le pire.

C’est loin d’être le seul reproche qu’on peut faire au jeu. Sa réalisation est très minimaliste, l’habillage et l’UI proposent le strict minimum de son époque, qui lui donne aujourd’hui un aspect général complètement dépassé, voire inadéquat dans certains menus.
Mais le plaisir que l’on prend manette en main n’a d’équivalent que les Quake LANs du siècle dernier.

Le plaisir est répétitif, ma seule envie après avoir parcouru le jeu est de recommencer avec des nouveaux pouvoirs, avec plus de style. Je vois peu d’intérêt au scoring dans le jeu de par la gestion aléatoire de la physique et la prise de tête que constituerait l’optimisation d’un run. Le score permettra tout de même de débloquer des outils et autres joyeusetés que je vous laisserai découvrir, même si je ne peux m’empêcher de conseiller mon combo préféré (parce qu’il est aussi efficace que cool) : le ralenti (qui permet de réajuster sa trajectoire, modifier son élan et augmenter l’amplitude des sauts et conserver sa vitesse plus longtemps) avec le grappin (qui est super stylé parce que c’est un grappin et permet d’éviter tout ou partie de certains niveaux)

C'était que le début
C’était que le début

La dernière question qu’on peut se poser c’est “pourquoi ressortir Clustertruck aujourd’hui ?” Eh bien tout simplement parce que le prochain jeu de Landfall, Haste, est dans les cartons, et qu’il semblerait qu’il propose une formule assez proche dans la forme mais multipliée par 1000 au niveau des sensations.

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En conclusion, ne passez pas à côté de cette pépite qu’est Clustertruck, un jeu aussi exigeant que jouissif qui réveillera l’enfant qui sommeille en vous.