Pitch de Beyond the Infinite Two Minutes : Un patron de café découvre que sa télé et son ordinateur sont connectés à une boucle temporelle lui permettent de voir le futur avec deux minutes d’avance.

Sur le principe la promesse de Deux minutes plus tard (titre français) est ouf, et le trailer m’a tellement intrigué que je ne pouvais pas ne pas regarder le film immédiatement après l’avoir découvert. Une comédie japonaise vite fait romantique en huis-clos qui implique du voyage dans le temps, trop de mes kinks étaient en éveil pour que je ne saute pas à pieds joints dans cette aventure. Évidemment avec de telles attentes, on ne peut qu’être un peu déçu.

Cours Kato, cours

Alors qu’il vient de fermer son café, Kato est interpellé par son ordinateur dans lequel il apparaît et s’adresse à lui-même : “je suis toi dans deux minutes, redescends au café et tout te sera expliqué”. Alors oui, ma première déception a été de découvrir que Kato ne croisera jamais son double dans les escaliers qui mènent du café à sa chambre. On est donc dans ce type de temporalité qui se passe dans des plans d’existences parallèles et l’ambition que j’attribuais à tort à ce film vient de diminuer de 90%. Oui, c’est injuste, mes attentes étaient probablement déraisonnables, imaginez un film où il faut trouver toutes les deux minutes une raison pour que les protagonistes ne restent jamais plus de deux minutes en place, ce ne serait pas tenable. Mais que voulez-vous c’est cette innocence qui me caractérise et me joue des tours parfois. Je décide très vite d’oublier ce détail et me concentre sur la suite.

L'effet Droste connu sous nos contrées sous le nom "d'effet Vache-qui-rit"
L’effet Droste connu sous nos contrées sous le nom “d’effet Vache-qui-rit”

Deux minutes sans fin

On se rend très vite compte que le principe du film résidera dans le fait de voir des scènes en avance au travers de l’écran et de les revoir en “direct” avec les commentaires des participants. Un principe qui se répète peut-être une ou deux fois de trop avant que le récit n’avance pour qu’on y prête un intérêt renouvelé.

À mesure que Kato expérimente avec ses moniteurs, d’autres le rejoignent (employée, amis, voisine), presque chacun d’entre eux y va de son expérience et, oui, c’est un peu relou, tout comme les explications qui sont répétées aussi souvent qu’il y a de protagonistes. Mais c’est induit par un choix de réalisation audacieux : toutes les scènes sont en temps réel car toutes les scènes sont des plans-séquences ! (le film est présenté comme un film en plan-séquence, mais à la manière de la Corde, ce sont plusieurs plans plus ou moins subtilement montés les uns après les autres, bon, ok c’est chaque fois qu’ils ouvrent une porte) Et je dois avouer que je tire mon chapeau à Junta Yamaguchi (réalisateur) pour cette décision qui sauve régulièrement le film de ses nombreux écueils. On passe volontairement à côté de certains passages redondants, d’interventions fillers et de quelques temps morts une fois immergé dans la chorégraphie de ce groupe d’amis. Le gros de l’action se passant entre le café et la chambre de Kato située au dessus de celui-ci, ce sont d’innombrables allers-retours dans les escaliers que nous sommes invités à suivre dans des décors naturellement exigus avec une troupe d’une demi-douzaines de personnes vivantes et expressives. C’est un challenge de haut niveau que Yamaguchi s’est imposé là et qu’il surmonte avec un certain brio en dépit de quelques plans un peu foireux aussi liés aux conditions de tournage.

Ces images que l'on peut entendre.
Ces images que l’on peut entendre.

Au-delà des deux balles qu’à coûté le film

Quelques mini-scènes documentaires apposées au générique nous montre le making-off du film qui est donc tourné au smartphone sur perche, avec une équipe et des acteurs qui ne sont pas assez connus internationalement pour avoir une fiche Wikipedia en dehors du Japon (même si les japonophiles y reconnaîtront des visages familiers). Et ça ne se ressent absolument pas. Bon, soyons honnête, ça se ressent parfois sur la qualité de l’image (un gros plan en particulier montre les limites du zoom du smartphone en lumière naturelle en intérieur avec tout ce qu’il faut de flou et de grain pour comprendre qu’on est pas sur le dernier Denis Villeneuve en terme de moyens techniques).

Mais en dehors de ces petits détails, les acteurs présentent un enthousiasme communicatif, la mise en scène est généralement correctement rythmée, la réa est plus que satisfaisante compte tenu des conditions et des contraintes qu’ils se sont imposées. Alors c’est quoi le problème ?

Écriture à deux pieds

Le plus gros problème c’est Makoto Ueda (attention, pas son homonyme spécialiste de la littérature japonaise), le scénariste du film. Si l’idée de base est indubitablement intéressante, si la trame générale fonctionne à peu près jusqu’à la dernière partie, c’est dans les détails que le bât blesse. Rien ne tient la route face à la logique d’un fan d’œuvres impliquant du voyage dans le temps. Très vite, les amis de Kato décident d’utiliser leur TV temporelle pour essayer d’en tirer profit. Rassemblant les deux écrans dans la même pièce, ils obtiennent la possibilité de voir plus loin dans le futur et donc de se donner des conseils dans le passé. À partir de ce moment les dii ex machina s’enchaînent à une allure folle. Ainsi l’un des amis conseillera d’utiliser la TV pour “trouver de l’argent”, sa logique : “si je trouve de l’argent dans le futur alors il me suffit de me dire dans le passé où est cet argent”. Ok mec, ça explique pas comment ni pourquoi tu trouves cet argent dans le futur. Si encore ces passages étaient agrémentés d’un commentaire sur le paradoxe du grand-père, j’aurais pu ignorer tout ça, mais non, à aucun moment cette incohérence n’est relevée. De la même manière, les personnages admettent que la connaissance du futur influe leurs décisions dans le présent et les contraint à reproduire leurs actions futures, mais dans un contexte de dimensions parallèles ça ne semble pas avoir grande importance. Bon, ok je chipote comme un sale nerd énervé par des choses qui ont juste le mauvais goût de ne pas aller dans mon sens ou d’être à la hauteur de mes attentes.

J’aurais aussi plus facilement accepté de passer outre tout ça si le final était satisfaisant, ici il est… assez raté. Je ne vais pas revenir sur le principe pété qui veut que la solution est dans le futur simplement parce que le futur se passe après, une scène qui se veut épique tombe à plat en mettant en scène des comportements invraisemblables (et on sent pour la première fois la tension des acteurs trop concentrés sur la réalisation de l’action trop compliquée pour un plan-séquence pour offrir un jeu satisfaisant) et s’ensuit une fin bâclée qui se veut comique mais ne réussit qu’à être légèrement navrante.

Pour conclure, Beyond The Infinite Two Minutes est difficile à recommander aux fans de fictions temporelles, la faute à trop de libertés sur les principes de base pour rendre l’intrigue intéressante, toutefois la réalisation immersive nous aide à passer 70 minutes plutôt agréables en compagnie d’un cast sympathique et souvent juste, je regarderais bien une éventuelle suite mais le film manque globalement d’éclat pour encourager un re-visionnage.

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